La micro-rédaction dans laquelle j’ai l’honneur de bosser n’est qu’une part infime de la machine de guerre qui m’emploie. Presque un millier de personnes travaillent dans un bâtiment imposant à quelques mètres de notre préfabriqué ousque des fois, y a des gens qui viennent nous voir et c’est limite s’ils ne nous jettent pas des cacahuètes.
Vendredi, je suis donc allée visiter l’antre de la Bête, les rotatives, les locaux de la PAO, la réserve à papier…
La réserve à papier.
Des rouleaux de près d’une tonne stockés par centaines et prêts à être imprimés, découpés, pliés et à vivre leur vie de quotidien régional (caler une table bancale, allumer le feu…)
Et la bébé stagiaire qu’on m’a confiée de demander au jeune homme chargé de la visite avec tout le reproche qu’un ado peut contenir dans son regard : « Et un rouleau, ça représente combien d’arbres? ».
Le jeune homme me regarde comme si j’avais introduit le choléra dans l’entreprise. J’essaie de faire comme si je ne connaissais pas cette noble représentante de la morale écolo. Raté, elle se retourne vers moi et s’indigne : « Tu te rends compte, la forêt amazonienne!!! »
Et moi qui croyais que cela allait l’impressionner… Je réponds faiblement, mauvaise conscience oblige, que le papier est recyclé (« oui mais au bout de plusieurs fois, le papier se recycle moins bien ») et que les arbres viennent d’Europe.
Fin de la visite et le jeune homme narquois me demande si je n’ai pas de question particulière à poser (combien de victimes ont fait les anciennes méthodes d’impression avec force plomb et amiante, par exemple. Déjà à l’époque, on maltraitait le personnel).
Je réponds qu’après 4 mois dans la boîte, je commence à connaître… Erreur fatale. La prof qui chaperonne la troupe de 3ème qui fait la visite en même temps que nous a l’ouïe fine. Et me demande illico d’expliquer ce que je fais.
Une quinzaine d’oisillons, mais version remake hitchcockien , se tournent vers moi. Réminiscence brutale des exposés au collège, cramoisie je suis.
Le truc qui me réconforte, c’est que si je suis embauchée par le couple de Russes exilés en Angleterre qui veut bien de moi comme jeune fille au pair, un bout de chou de 8 mois, au moins, ça ne parle pas.