Une femme cadre sur cinq vit seule, et ce sont les femmes diplômées (voire très diplômées) qui se marient le moins. […] Mais à l’inverse, les hommes à faible niveau scolaire sont proportionnellement très nombreux à rester « vieux garçons ». La crise de la rencontre qui sera souvent évoquée dans ces pages, trouve dans cette inadéquation fondée sur le niveau d’études – donc sur le niveau social à maints égards – l’une de ses origines
Pascal Lardellier, Le coeur net : célibat et amours sur le Web, Editions Belin, 2004
Je viens seulement de commencer cet ouvrage, emprunté à la fois par curiosité (aiguisée par le fait que nombre de mes proches fréquentent ou ont fréquenté des sites de rencontre) et parce que lire une étude sociologique sur l’influence du web sur les relations humaines ne peut que nourrir mes réflexions pour mon mémoire dont le sujet n’est pas si éloigné.
Et pourtant, dès les premières pages, il remue en moi une tempête d’idées dérangeantes.
D’abord en me rappelant une conversation avec des amis. Il semblerait que les statistiques démontrent ce qu’une de mes amies avait instinctivement senti, et que je me refusais naïvement à croire : oui, le niveau d’études est une barrière. A bien y réfléchir, j’en avais pourtant fait l’expérience moi-même : combien de fois n’ai-je pas senti une réticence de certaines personnes à poursuivre la conversation une fois que j’ai déclaré être à Sciences Po ? (et je ne vous parle même pas de la pratique de sports considérés comme typiquement masculins).
Cependant, à ce point de ma lecture, ce n’est pas (pas encore ?) un blocage conscient ou pas de la part des célibataires par rapport au niveau d’études qui justifie les faits rapportés. En réalité, il semblerait que la vie de couple, aujourd’hui, apparaisse comme difficilement conciliable avec des études. Là encore, voici des arguments qui résonnent familièrement…
Et puis, il y a cette insistance sur le fait que le célibat en soi est ressenti comme un fardeau en grande partie parce c’est ainsi que la société (enfin, les gens casés, évidemment) le fait sentir aux célibataires.
Le couple ne serait-il qu’une alternative à la solitude et à la réprobation ou pitié, aussi insupportables l’un que l’autre, qu’engendre le célibat, plutôt qu’une conséquence logique de l’amour ?
Pensez aux derniers films, aux grands romans qui vous ont ému, voire qui vous ont fait pleurer. Avez-vous pleuré pour la beauté du sacrifice de Cyrano, et pour les tendres descriptions que Roméo fait de sa bien-aimée ? Ou n’avez-vous fait que déplorer l’impossibilité d’un tel amour dans une réalité autre que purement artistique ?
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Alors je ne suis pas du tout d’accord. Pour moi il y a des gens qui vont s’épanouir dans une relation de couple et d’autres qui s’épanouiront mieux célibataires. « Une relation de couple appar(ait) difficilement conciliable avec des études ? » Non mais relativisons hein. Il y a des gens mariés avec des enfants qui réussissent leur études (la deuxième major de promotion dans mon master pro était une femme en reconversion professionnelle), ça n’a donc absolument rien à voir de réussir ses études et d’être ou non en couple. Bien au contraire, avoir une personne pour vous épauler en cas d’échec peut aider. Mon amoureux m’a aidé à faire mes mémoires, il n’a pas été un obstacle, loin de là. Après si c’est la vie en couple qui peut empêcher une personne de choisir certaines filières, d’être mobile, c’est à cette personne de faire ses priorités mais je ne vois pas pourquoi tout le monde aurait les mêmes qu’elle. Pour le niveau d’études c’est autre chose. Pour moi c’est pas tant le niveau d’études au sens brut, qu’une appartenance à une certaine sphère culturelle voire une capacité à apprendre. Mon amoureux n’a pas le même niveau d’études que moi, pas dans le même milieu mais il aime apprendre, il aime parler et décortiquer les choses. Nous arrivons donc à trouver des terrains d’entente. Je pense qu’il y a des gens qui ne sont pas intéressés par la culture, et ils ont le droit. Il sera juste très difficile pour eux de s’entendre avec quelqu’un qui adore la culture et faire des choses intellectuelles. Après comme je te l’ai déjà dit, je pense qu’une majorité de garçons sont effrayés par une fille qui aura un meilleur niveau d’études qu’eux. Ca vient d’un préjugé à la con mais ça existe. Cela dit il existe aussi des garçons qui sauront faire abstraction de ce préjugé, heureusement. Et de toute façon l’amour « brut » existe et tu le sais puisque tu as des amis, une famille que tu chéris, tu les aimes. Après l’amour passion tel qu’il a été créé en Occident par l’amour galant au Moyen-Age et véhiculé par l’art depuis, et qui est montré comme l’image par excellence de « l’amour », n’existe pas non. Mais l’amour « charité » décrit par Platon et repris par la tradition chrétienne (forcément avec moi hein ^^’), où l’autre est partenaire et où tu construis quelque chose qui t’aide à te construire donc à t’épanouir, au lieu de te demander des sacrifices inhumains qui ne te mènent nulle part, existe, tu peux me croire, c’est du vécu. Malheureusement je crois que trouver cet amour là sur le net, c’est très rare.
Créé par l’occident, l’amour ? Au Moyen-Age seulement ? Platon écrivait déjà sur l’Amour. Et pour moi, l’affection familiale n’est pas de l’Amour. Il y a dans la famille un lien créé de toute pièce et dicté par la société. Mes parents « m’aiment » parce que je suis leur fille, non parce que je suis moi.
Ca me semble bien cynique comme analyse… Enfin je dirais juste qu’il me semble aussi que l’idée que les gens se font de l’amour et des relations amoureuses a beaucoup évolué par rapport à ce qu’elle était autrefois, qu’elle est devenue un peu plus égoïste. Pour moi, l’amour, ca n’est pas se chercher une relation pour éviter les désagréments du célibat, mais c’est le fait de faire passer l’autre avant tout. Alors peut-être que plus grand monde n’y croit, mais moi, j’y crois encore et quand j’aime, c’est comme ça.
Selon moi, l’amour, c’est trouver quelqu’un exactement comme moi, ou un chouilla près, pour vivre les mêmes passions, les mêmes envies et les mêmes rêves. Pas de chance pour moi, mes passions, mes envies et mes rêves doivent être trop compliqués… enfin bref… Je te rejoins totalement sur le fait de faire fuir les hommes en leur disant le niveau d’études. Ca effraie toujours. Même si je suis entièrement d’accord, l’intelligence ne se mesure pas à des diplômes universitaires (merci les antisèches). Pour avoir vécu des relations avec des types avec qui je n’avais aucun goût commun, je me suis vue dépérir culturellement. Je ne sais pas si c’est compréhensible. Aussi, désormais, mon point crucial dans les relations que je peux éventuellement nouer avec un jeune homme, c’est son domaine de prédilection en culture. Musées, lectures, théâtre, j’achète tout de suite. Effectivement, je recherche quelqu’un « comme moi », mon double, mon « sosie » et je ne suis pas sûre qu’il existe réellement. Alors je resterai seule, tant pis. Je conchie la société bien pensante. Les femmes sont désormais plus diplômées qu’avant, elles s’assument et n’ont plus forcément besoin d’un « financier » à la maison, aussi, elles cherchent à avoir le meilleur plutôt que de « se contenter » de celui qui veut bien d’elles (je pense très précisement à mes camarades de classe au lycée qui ont terminé leurs études après le bac et qui étaient déjà mères au foyer à l’âge de 20ans). Quand je retourne dans cette ancienne contrée, que je croise mes anciennes camarades de classe et que je leur dis que, oui, j’ai 27ans et je suis toujours étudiante et non, je n’ai pas de petit copain, c’est comme si je leur parlais chinois. Autre temps, autres moeurs… mais bientôt, les femmes auront le pouvoir!
N’oublions pas, même si j’ai parlé de ce que je connaissais dans mon sens (à savoir une certaine appréhension des garçons à aller plus loin pour me connaître à partir du moment où ils savent que je fais des études), que les femmes ne sont pas parfaites non plus. Mon propos (et certainement pas non plus celui du livre) n’est pas de me plaindre des hommes. Je crois que cela marche aussi dans l’autre sens : les femmes hautement diplômées voudraient-elles d’un homme au niveau d’éducation faible ? D’ailleurs Faustine, ta réaction montre bien que tu attends, à défaut d’éducation, un certain niveau de culture, ce qui, sociologiquement, (entendons-nous bien, ce n’est pas mon point de vue) est souvent lié. Cela dit, sur ta vision de l’amour, je crois qu’on a aussi des amis pour partager nos centres d’intérêt. Bien sûr, il faut un socle d’intérêts communs, mais je ne crois pas que j’irais chercher « quelqu’un comme moi »… L’apport du couple vient aussi de ce que l’on découvre grâce à l’autre… En fait, je partage plus la vision de l’amour de Spica. Mais partant de là, je trouve très triste que nous soyons condamnés à ce qu’il y en ait toujours un qui aime plus que l’autre (constat purement personnel, je ne demande qu’à ce qu’on me prouve le contraire)
Est-ce que je dois comprendre que l’affection que tu as eu pour ta grand-mère t’a été dicté par la société ? Je suis partagée. Je crois que mes parents m’aiment pour ce que je suis, même si on se dispute parfois parce que je ne suis pas comme ils voudraient que je sois. Mais je crois qu’on choisit (ou non) d’aimer sa famille. Tout du moins on choisit ses amis et je ne fais pas de différence d’amour entre mon chéri et mes amis les plus proches. Fin ce sont des amours différents, mais des amours qui peuvent être aussi forts, chacun dans leur genre. Ca me permet d’ailleurs de répondre à ta dernière remarque, je ne crois pas qu’un aime « plus » que l’autre dans le couple, je crois que, comme on est différents (et là je te rejoins par rapport à la vision du couple décrit par Faustine), on aime de façon différente. Ca paraîtra « plus » ou « moins » selon ensuite les préjugés de la société ou les tiens, mais selon ton jugement. Pas dans l’absolu, dans l’absolu, tout le monde aime avec la même intensité mais ça n’a pas les mêmes formes. Platon parlait d’amour oui. Mais uniquement d’amour entre hommes. Les femmes n’étaient pas un objet d’amour. L’idée de l’amour-passion entre un homme et une femme est né au Moyen-Age avec Tristan et Yseult (je schématise un peu, certes), les relations hommes/femmes chez les grecs étaient purement reproductives.(sauf avec les hétaires (des cousines des geishas en quelque sorte), où c’était à un niveau un plus élévé, mais je ne crois pas que Platon en parle)(et surtout chez les hétaires, l’homme entretient la femme qui le divertit et le fascine par sa connaissance des sens et des sciences, il n’y a pas vraiment d’amour au sens de sacrifice de soi, c’est une relation d’ego à ego) (j’aurais pas du mettre toutes ces parenthèses, enfin tant pis)
Ah mais oui mais faudrait savoir : tu me parles de l’amour familial comme preuve que l’amour existe, et tu refuses à Platon le droit d’avoir parlé d’amour avant le Moyen-Âge juste parce que c’était une forme d’amour autre qu’un homme et une femme ? Et puis dans mon souvenir, la moitié d’orange, ce n’était pas deux hommes.
Ah mais l’amour décrit par Platon s’inscrit dans mon idée de l’existence d’amours différents mais qui se valent tous dans l’absolu (ça de toute façon c’est définitivement platonicien comme vision des choses !) Par contre je n’inclus pas Platon dans l’Amour Passion auquel tu fais allusion à la fin de ton article en citant Cyrano. Cet amour-là effectivement n’existe que dans la littérature car c’est pour elle qu’il a été créé, il n’a jamais existé. J’espère que c’est un peu plus clair. Sinon je n’ai jamais réussi à arriver à la fin du banquet, je ne fais part que de vieux souvenirs de lectures de prépa. Mais il est possible que Platon ait aussi ébauché une théorie de l’amour passion, qui lui ait été piquée ensuite par les chrétiens puis développée en amour galant au Moyen-Age. Comme disait ma prof de prépa « Platon a déjà tout écrit, écrire après Platon serait superfétatoire »
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